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Cliquez >>>> ICI pour acceder au site fannybruno.fr/ Les pages 1-2-3-4-5 correspondent à mes photos antérieures
 
  Présentation de l'exposition " Le grand ménage" au centre culturel et social de Belleville (Paris 2012)  
 

 

Nous sommes heureux d'accueillir Fanny Bruno au Centre Socioculturel Belleville pour l'édition 2012  des portes ouvertes des ateliers d'artistes de Belleville.
Le titre de l'exposition – Le Grand Ménage -  est spécialement bienvenu en cette période printanière de renouveau  et  exprime avec humour et légèreté   les préoccupations  de beaucoup d'entre nous :   la nécessité de repenser nos rapports aux objets, à l'environnement, à un univers bien trop souvent marqué par la consommation et qui aboutit inexorablement à  une surexploitation ... de la planète. La multiplication des objets à travers les photographies de Fanny Bruno nous interpelle et nous questionne.
Des bénévoles et adhérents du Centre ont aussi participé à cette exposition en répondant à l'appel à collecte d'objets, qu'ils pourront retrouver avec leurs doubles. Ils en deviennent tout à la fois plus factices et aussi plus vivants.
Mais laissons Fanny Bruno parler de son travail de photographe et plasticienne.

Déplacement/replacement :

Une boule de papier écrasé, un brouillon dont on se débarrasse rageusement, sa course finit  éventuellement... dans la corbeille… plus rarement devant un objectif photo.
Mais, lâchée, la sphère s’ouvre, elle prend vie, bouge, forme un froissé de plis et de replis autant d’espaces de création d’imaginaire.

Tous les objets qui nous entourent façonnent notre regard sur le monde.  

Assembler, transformer, muer le banal le plus anodin le plus imperceptible, le rendre sensible, porteur de trouble, de rêve, de vie, provoquer le doute sur son origine c’est ainsi que j’envisage mes images.

Pourtant j’utilise la photo dans son acception la plus courante : un moment plaqué sur un papier lisse, brillant et polluant, opération multipliable, à priori, à l’infini.
Ce banal sublimé, travaillé en volume telle une sculpture de matière, illuminé tel un monument, retourne à sa vulgarité d’origine. Opposition, constitutive de mes images.
Ce ne sont que des traces d’éléments fabriqués pour en servir d’autres, et ces choses pourrissent, oubliées dans une décharge.

Nous regardons le résidu d’une grandeur illusoire, un mensonge, une photo.

À l'occasion de cette exposition j'ai proposé aux habitants du quartier leurs participations par prêt d'objets interposé et j'ai passé cette annonce dans le magazine "1000 couleurs" de l'association :

"Vous alliez le jeter et c’est à ce moment précis que sa matière, sa forme, sa couleur, un ensemble mystérieux a stoppé votre geste.

Cet objet trône maintenant sur votre bureau ou dans un coin de la cuisine.

C’est sûr, il finira à la poubelle, alors avant cela, faite le photographier car vos « reliques » m’intéressent comme traces de notre époque...."

Une poterie, une boite d'oeuf, une pièce de robinet, un panier à cornichons...

 

détounements


   

 
  Texte de Christine Duchemin sur mon exposition personnelle à l'atelier "La Boite de Fer" Montreuil 2010  
 

J’ai le souvenir persistant de cette découverte du monde distancié et parodique de Fanny Bruno. Un surprenant cheminement jonché de représentations caustiques portées par un réel à la matière obsédante.

Dès l’entrée, au pays des merveilles, une contrefaçon de mer nous enchante ; ses vagues sont étranges et elles nous submergent. Un reportage photographique dont on doute progressivement de la véracité.

Sous la verrière de cet atelier de Montreuil, au bout d’un long tapis rouge déroulé au sol, un carré géant de
4 « Kiris, le fromage des gastronomes en culottes courtes », nous déconcerte. Leurs coins sont retroussés comme des lèvres épaisses, entrouvertes, prêtes à nous aspirer.
« Ma palette de travail : de l’industriel fonctionnel, reproductible à l’infini sans saveur et sans goût », explique la photographe. Le résultat : un carré blanc sur toile blanche…

Dans l’intimité d’un recoin pratiqué entre deux machines de ferronnerie, on assiste à l’agonie des belles images. Sur ces pages décomposées de magazines, photos et textes se confondent en un coulis sirupeux. L’encre s’est détachée, la trame du papier surnage dans un paysage fantastique ou l’envers et l’endroit s’entremêlent. La lumière intérieure des photos et le flou des couleurs mélangées leur confère une beauté à la « Turner ».

Face à ces images, des visages géants de soldats miniatures. Ils luisent comme exposés aux sunlight trop longtemps. Ils fondent sans nous quitter des yeux, tous identiques et tous différents, répétition qui créee la distance. Tirages à l’infini d’un même moule, pour un monde où la guerre est même un jeu d’enfants.

A mi chemin sur une aile du tapis, Angèle (4 ans) s’amuse follement à balancer un coussin géant suspendu comme une carcasse. Il est imprimé d’une série de barquettes de viande alignées telles des briques. Pleines ou vides, recto verso, là encore toutes différentes et toutes « presque » identiques.

Plus loin, du carton d’emballage démultiplié forme un motif pour un tapis dont on cherche l’origine, photographie d’un artisanat syncrétique fictif.

Sur un écran, un pompon de poils joue à la poule et à l’œuf, à grand renfort de « cot-cot ». On rit beaucoup jaune. Jaune comme les photos de lumière à la matière proche de la peinture qui strient le fond de l’atelier.

Dans ses photographies, Fanny Bruno est à la fois référentielle et irrévérencieuse. Une attention marquée à la maitrise plastique porte cette réflexion très singulière.

Christine Duchemin

 
 

 

 
  Texte sur mon travail en cours ( exposition Belleville ,mai 2010 )  
 

 

Et/Où              

Des couchers de soleil aux glaciers immaculés notre imagerie du « beau paysage » est variée.
Face à cette splendeur infinie, l’observateur se sent minuscule mais fort de cette prise de conscience
le voilà rasséréné et flatté par tant de cohérence, la sienne comme celle du monde !

Nos regards, nos écrits, nos discours figent les lieux sur lesquels ils se posent.
À trop se les représenter, se les répéter, après tant de legs, ce monde n’existe plus que dans notre imaginaire.

Ne subsiste, non pas, un monde dans la pleine vigueur d’un âge jeune, mais un monde comme la peau d’un vieillard.

Cette terre n’a plus lieu d’être, elle est enregistrée, figée et démultipliée, ses couleurs flamboient, sa crédibilité s’efface en fondus enchaînés sur fond d’écran.

... Et la légende du monde disparaît avec le papier photo qui l’a fait naître.

 
  Texte de Stéphane Meyer sur l' exposition "Autoportrait troué et truqué" Paris mai 2009  
 

Il ne faut pas se fier aux apparences.

 

http://www.dailymotion.com/video/x9f7v4_autoportrait-truque-troue-dans-une_creation

C’est un très beau travail photographique de Fanny Bruno, que j’ai vu dans le cadre des ouvertures d’ateliers d’artistes du 20ème à Paris.

La dualité est au centre de ce travail. Oscillant entre violence et douceur, glamour et tragique, lumière et obscurité, l’installation de Fanny Bruno, Meeting peaux, est une photo de grand format, tirée sur un contrecollé "Dibond" (une plaque d’aluminium), figurant une femme en maillot de bain au bord d’une piscine. Ça pourrait être un autoportrait, sauf qu’à y regarder de plus près, il est complètement truqué. Si le visage est bien celui de l’artiste, le corps est « rapporté » (sûrement celui des pages « programmes minceurs » d’un magazine féminin ou d’une pub pour maillot de bain). La plasticienne intervient sur le support métallique de la photo, en « opérant » sur le corps de la femme, des centaines de tout petits trous, évitant soigneusement le sexe et les yeux. Accrochée devant une source de lumière, la photo laisse assez d’espace au public pour aller voir derrière.

Par ce dispositif, la source de lumière illumine l’image du côté face (je dirai du « bon côté », là où il nous est toujours demandé de regarder) et donne l’impression d’une beauté absolue, comme si la surface de la photo était sertie de diamants. Un corps de pierres précieuses. De ce côté-là, nous sommes dans la douceur, le magnifique, dans la féérie du corps sublimé. Le côté pile, la face cachée de la photo, là où il faut aller pour voir « l’envers du décor », laisse apparaître les déchirures du métal percé, déchiqueté. De ce côté-là, se dégage une impression de violence, provoquée par toutes les aspérités du métal troué. Comme dans la réalité : l’envers du décor n’est pas toujours brillant, le clinquant a disparu, pour laisser place à quelque chose de plus cruel, de plus sombre. Comme si l’artiste voulait nous dire que le corps cache bien son jeu avec sa belle apparence, sans déchirures, sans blessures – j’ai envie de dire sans histoire – et que pour voir au-delà, pour tenter d’approcher une autre vérité, il nous faut toujours faire un détour, faire un pas de côté, qu’il nous faut toujours aller voir ce qui se dissimule au-delà des apparences.

 
  Texte de Fanny Bruno sur l' exposition "mai de la photographie" Pézenas 2008  
 

 

Cette série débute par des photographies de papier de remplissage de colis d’expédition. Elles témoignent d’un mouvement intense : c’est l’enveloppe des choses, la vie semble s’y être retranchée….

Suivent des photos d’identité agrandies à taille humaine. Mais s’agit-il véritablement d’identité ? Quelle est la taille réelle de ces personnages, de quel moule, de quel esprit sont-ils sortis ? Alphonse Bertillon s’y perdrait, là où seules quelques infimes différences d’usinage les distinguent.
Ce monde factice paraît surveiller son démiurge; la création façonne son maître.
L’intériorité existe t’elle encore quand les jouets semblent plus vivants que les vivants eux-mêmes ? La où seule la lumière extérieure fait expression.

Ces grands enfants - les jouets ou leurs instigateurs - cèdent à une illusion oppressive : échapper, par quelques gadgets, au lot commun. Mais les voici tous alignés dans un même désir formaté.
Collectionner nos amis, en construire des murs, comparer nos ressemblances. Calculer nos similitudes… Nous sommes tous « mêmes ».

Si nous façonnons nos apparences, c’est que notre esprit est déjà modelé. On ne protége pas impunément son corps, sans aseptiser son esprit.
Alors, la trace laissée par la chair meurtrie sur son emballage semble plus violente que la viande elle-même empaquetée, calibrée.

 
  Dialogue avec louise Merzeau à propos de l'exposition "carnation" Biennale d'Issy 2007  
 

 

Louise Merzeau :Dans tes photos, deux univers se télescopent à même l’image : la guerre, virile et âpre ; les beautés de magazines, light et glacées.
Ça ne colle pas… À quelle échelle est-on, dans quel réel, dans quelle fiction ?
À y regarder de plus près, ces deux mondes sont-ils si dissemblables ?
Fanny Bruno : En fait, ces soldats ne sont pas plus vrais que ces femmes de papier. Jouets d’enfants arrogants, ressassements ad nauseam du même désir de puissance, de la même illusion.
Des objets, des images, infiniment reproductibles et non dégradables, comme idéal du vivant.Ce ne sont plus les copies qui sont factices, c’est l’ humain qui se cache derrière sa réplique. Zéro corps, zéro mort.

L.M : Seulement voilà : la chair n’est pas à vendre. Et l’image est prise à son propre jeu.
F.B : Un jeu de camouflages (maquillage)et de recouvrements, où le vrai dénature et révèle le faux, où le faux se prend à  faillir avec de vraies blessures.
Introduire un défaut dans la reproduction, une distorsion dans les mirages du même. Et accepter la putréfaction de ses propres pigments.

L.M : Comme si la photographie se souvenait de la peinture : augmenter le visible, non par clonage, mais par ajout de matière.
De quels organes émanent ces moisissures, ces fibres, ces viscosités ?
F.B :L’image dérange : on voudrait que ça coïncide, mais il y a là quelque chose qui vit, et la ressemblance dissemble.

L.M : … À quelle échelle est-on, dans quel réel, dans quelle fiction?
 
  Texte de Fanny Bruno sur l'exposition "camouflages" Biennale de Nancy 2006  
 

Ce sont des soldats courageux, ils souffrent, leurs vêtements sont en lambeaux, leurs chairs sont tuméfiées...
Mais que font-ils chez nous ? Ce sont des jouets, leurs femmes sont de papier et ils viennent d’entrer dans l’intimité de notre salon.

Soldats d'occupation…
De quoi s'occupent-ils ?
À quoi s’occupent-ils ?
De qui s’occupent-ils ?

De maintenir la paix, de promouvoir la liberté. De diffuser leurs valeurs. Ils protégent la « civilisation » de la « barbarie ». Ils occupent les consciences. Ils jouent leur propre rôle de soldat dans la fiction de nos sociétés.
Petits, ils rêvaient de devenir des héros ; grands, ils sont devenus des guerriers sophistiqués. Ils avancent dans la même « réalité » que celle de nos magazines… Ils protègent un monde qui n’existe que dans la représentation que nous lui donnons ; ils incarnent un rêve, défendent nos illusions, nous laissant, alors, croire qu’elles existent.

Info ou intox ?
Que voyons-nous vraiment ? Ces images associent deux rêves qui se rejoignent, se nourrissent : rendre compte du temps, d’évènements, de l’état des choses (les médias), défendre la liberté, des idéaux, défier la mort (les soldats),.. un rêve de toute puissance d’enfant, instrumentalisé. Elles prolongent jusqu’au ridicule le jouet, objet ludique dans un espace consumériste, qui prend valeur de symbole.
Par ces images, nous réempruntons un parcours de vanités : nos désirs de puissance face à notre impuissance effective.
Confondre le réel et sa fiction, c'est tout le discours de nos sociétés.

Comment représenter le vivant ?
L’éternelle perfection affichée par les éléments mis en scène (le plastique du jouet, la beauté physique infiniment reproductible des  mannequins) est annulée par leur redondance. Le magazine est rapporté à l’échelle du jouet, au mirage. Le jouet  est contesté par l’effet de réalisme du magazine.
Les représentations, dans un abîme grotesque de miroirs, s’égarent, s’épuisent, perdent leur pouvoir.
L’illusion est poussée au-delà de ses limites, le jouet lui-même, par son camouflage de matières, tente de nous faire croire qu’il est chair et sang, vivant.

Quelle est la fonction de l’illusion, sa place face au réel ?
Nous sommes dans la dimension du phantasme : vouloir lui donner corps, car il s’agit bien de cela, c’est vouloir lui donner mort ; si le soldat-jouet peut mourir, alors il a vécu. Vouloir le détruire, c’est lui donner vie. En le souillant, la photographe confirme son existence, et démontre qu’on peut l’atteindre comme quelque chose de vivant. Les photos, par ce marquage, ajoutent une fragilité au factice et renvoient ainsi à l’universelle sentimentalité du héros.
Le malaise ne s’immisce jamais autant que dans l’ambiguïté, la photographe réutilise l’esthétique pour mieux dénoncer l’esthétisation exagérée du monde.
Ce ne sont pas les objets qui prennent de l’importance, c’est tout le déplacement de l’existence vers l’état d’objet qui est en jeu.
C’est aux objets que nous désirons ressembler, nous rêvons d’en finir avec l’imperfection du naturel. Nous voudrions communier avec les héros de notre enfance (nos jouets) ou avec ces personnages de magazines, beaux, fiers et romanesques.  

 
  Texte du poète Lucien Suel pour l'exposition "Les Horifiants" aux voutes (les frigos, Paris) et aux photofolies en Touraine 2004  
 

 

agrandi
c'est lui
il grandit
je rétrécis
j'ai rétréci
je suis petit

 

il me regarde il est troué
il va vomir à la gueule du monde
il va me cracher sur le crâne
c'est un guerrier vertical
un vrai chevalier en plastique
soldat du gaz gros moine un peu crasseux
confrérie du fréon son cou se tord
il attend le doigt
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
c'est la guerre des mondes
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
son flanc rond contient la mousse
la vapeur le parfum
son flanc est gonflé tendu
il attend en supportant la pression interne
témoin de l'intimité
il est troué il me regarde
il siffle c'est un dragon synthétique
avec un visage télescopique
mon pouce pousse la mousse
mon pouce le soulage il siffle
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
il souffle il se répand
il ne retournera pas
dans son emballage de naissance
son temps est compté
il finira scorie pour l’incinérateur
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
il me regarde il est troué
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Texte écrit par Lucien Suel pour Fanny Bruno.

 
  Impressions de Bénédicte Alzati pour l'exposition "Alignements" à la galerie Guénégaud
 

Alignées, tordues, disloquées, calcinées ; seraient-ce sept
allumettes que Fanny Bruno nous donne à voir ?

Tracé primitif, chromosomes, corps concentrationnaires,
êtres côte à côte, tour à tour debout, aveuglés, ployés, déchus, corps, sacrés.

Fixons, de près et de loin, scrutons dans 1'obscurité, plissons les yeux.

Il y a là une voute de papier médiatrice, arbitre de la querelle

entre lumière et obscurité.

Ces « impressions », juxtaposées, révélées et cristallisées par le sel, ne peuvent que heurter nos imaginaires et quérir nos peurs.

Action et résultat de l’action, médailles à envers et à endroit : bois consumé, grattoirs taillés par le premier.

Grattoirs à Rorschach : Arcimboldo de soufre, diablotin, danseuse, tels ces arbres qui ont reçu la foudre et qui, par le point d'impact puis le léchage des flammes, nous apparaîtrons plus impressionnant  « morts » que «vivants» dans l'animalité de leur transformation.

Grattoirs à Tarot, illusions . deux images recouvrent l'originale
mais l'originale est la somme des trois. Jeu d'associations et
de correspondances à travers lesquelles les aspirants devins
s’initient au dialogue entre ciel et terre.

Point de flamme, celle qu'on ne voit pas, la fourbe aux
mouvements incontrôlables, qui a présidé à ces créations.

Bénédicte Alzati

rebrousser chemin